Dans les pas dune famille dentrepreneurs
Patrick Wyss gĂšre sa sociĂ©tĂ© sous forme d’entreprise familiale. Photos: Dominik Hodel.

ÂgĂ© de 22 ans, Patrick Wyss se met Ă  son compte et s’installe dans une cave Ă  Ebmatingen (ZH). Trente-huit ans plus tard, il annonce Ă  ses 84 collaborateurs que l’Ɠuvre de sa vie a changĂ© de mains – la plupart des employĂ©s Ă©tant Ă©tonnĂ©s que leur patron prenne sa retraite Ă  60 ans seulement. Le nouveau propriĂ©taire est lui-mĂȘme issu d’une famille d’entrepreneurs suisse et compte bien dĂ©velopper les sites existants.

Patrick Wyss s’intĂ©resse aux outils trĂšs tĂŽt dĂ©jĂ . Il grandit dans une famille qui gĂšre un magasin d’accessoires de carrosserie et d’automobiles Ă  Altendorf (SZ). AprĂšs l’obtention de son diplĂŽme de commerce Ă  l’école cantonale, il passe son permis de conduire et se retrouve sur le terrain, auprĂšs des clients. «J’ai rapidement pu me faire une idĂ©e de ce qui importe en matiĂšre d’outils professionnels. J’ai ainsi profitĂ© d’un savoir-faire dĂ©cisif, ce qui a marquĂ© ma carriĂšre ultĂ©rieure», se rappelle-t-il.

Le nom de l’entreprise, Kraftwerk, est inspirĂ© du collectif musical allemande Ă©ponyme.

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Sa success story, il la doit Ă  son profond amour des outils.

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Patrick Wyss se laisse le temps pour la réalisation de nouveaux projets outils.

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CrĂ©ateur d’outils tendance

En 1977, Patrick Wyss accepte un poste en dehors de l’entreprise familiale. Il est rĂ©guliĂšrement en contact avec un fournisseur amĂ©ricain et un autre, japonais. RĂ©alisant qu’il aime tout particuliĂšrement collaborer avec des partenaires asiatiques, il dĂ©veloppe une passion pour l’ExtrĂȘme-Orient. Plus tard, dans sa propre entreprise, il entretient des liens Ă©troits avec des fournisseurs de cette rĂ©gion – parfois pendant plus de 30 ans. Sa fascination pour l’ExtrĂȘme-Orient perdure aujourd’hui encore. Ainsi, sa carte de visite arbore un dragon chinois. «Mon Ă©pouse est nĂ©e sous le signe du dragon – il porte chance.»

Patrick Wyss voue Ă©galement une passion Ă  la conception de nouveaux outils. «Dans notre entreprise, nous n’achetions que peu d’outils standard, mais, au contraire, nous les faisions produire selon nos idĂ©es. Ces derniĂšres annĂ©es, nous avons mandatĂ© entre 80 et 100 innovations. Nous Ă©tions des pionniers et avons mĂȘme Ă©tĂ© copiĂ©s par des marques prestigieuses», raconte Patrick Wyss. Sa success story, il la doit Ă  son profond amour des outils. La vente Ă©tait exclusivement le fait du commerce spĂ©cialisĂ©, se caractĂ©risant par une compĂ©tence Ă©levĂ©e jusqu’au client final.

Les affaires sont florissantes

Patrick Wyss gĂšre sa sociĂ©tĂ© sous forme d’entreprise familiale, dĂ©veloppĂ©e avec son Ă©pouse Luciana. Jusqu’à la revente de l’entreprise, elle est directrice adjointe et assume ses propres tĂąches. En 1993, c’est elle qui se charge de la transformation complĂšte des locaux nouvellement acquis Ă  Mönchaltdorf (ZH), oĂč elle s’implique notamment dans l’amĂ©nagement intĂ©rieur. Aujourd’hui encore, Mönchaltorf est le siĂšge principal du groupe Kraftwerk-Tools. L’entreprise dispose de trois succursales dans l’Union europĂ©enne. Le nom de l’entreprise, Kraftwerk, est inspirĂ© du collectif musical allemand Ă©ponyme.

Au tournant du millĂ©naire, le groupe Kraftwerk connaĂźt une croissance sans prĂ©cĂ©dent. Jusqu’en 2015, le chiffre d’affaires est multipliĂ© par quatre et atteint plus de 30 millions de francs. En 2012, l’entreprise a dĂ©jĂ  atteint une dimension rendant inĂ©vitable sa rĂ©organisation. Les raisons: le potentiel des locaux est pratiquement Ă©puisĂ©, le rĂ©seau d’agents en Allemagne doit ĂȘtre remplacĂ© par du personnel de vente propre Ă  l’entreprise et le groupe nĂ©cessite une restructuration organisationnelle et directionnelle. Patrick Wyss est confrontĂ© Ă  l’augmentation considĂ©rable des charges administratives, alors que sa passion rĂ©side dans l’achat et la crĂ©ation d’outils.

ResponsabilitĂ© et intĂ©rĂȘt personnel

Comment continuer? La famille d’entrepreneurs profite de cette situation pour aborder sĂ©rieusement la question de la succession. La transmission au fils constitua l’une des options. Dans ce cas, Patrick Wyss aurait restructurĂ© et continuĂ© de gĂ©rer l’entreprise lui-mĂȘme jusqu’à ce que sa progĂ©niture termine sa formation et fasse ses propres expĂ©riences. Il s’avĂšre toutefois que son fils poursuit d’autres ambitions. «Il privilĂ©giait le contact humain et se sentait moins Ă  l’aise dans le domaine du commerce», explique son pĂšre.

C’est ainsi que le fondateur dĂ©cide de ne pas mener Ă  bien lui-mĂȘme la restructuration qui s’impose. Il tient cependant Ă  ce que son Ɠuvre soit vendue Ă  une personne disposĂ©e Ă  investir dans l’entreprise et Ă  la gĂ©rer selon sa vision. La vente Ă  un investisseur financier Ă©tait exclue. En 2013, sur le conseil de son avocat, il s’adresse Ă  ĂÛ¶čÊÓÆ”. En un peu moins de trois ans, la banque organise la vente avec engagement.

Durant la phase de cession, Patrick Wyss se dĂ©tache discrĂštement de son Ɠuvre. Seuls les cadres de l’entreprise sont au courant. Le 19 avril 2016, il annonce au personnel – au grand Ă©tonnement gĂ©nĂ©ral – que Kraftwerk Europe AG a Ă©tĂ© vendue Ă  Alexander Pieper. Ce dernier est issu de la famille d’entrepreneurs suisse Ă©ponyme, Ă  qui appartient notamment le groupe Franke.

Les yeux tournĂ©s vers l’avenir

AprĂšs son retrait de l’entreprise, Patrick Wyss s’accorde un moment de rĂ©pit avec sa famille. Il gĂšre le patrimoine financier familial ainsi que ses biens immobiliers en Espagne, et se laisse le temps pour la rĂ©alisation de nouveaux projets. S’il n’a encore rien de concret en vue, il est toutefois ouvert Ă  la nouveautĂ©. Il n’exclut pas une seconde carriĂšre d’entrepreneur par le biais de l’achat d’une sociĂ©tĂ©. «Il faudrait cependant que ce soit un vrai dĂ©fi», ajoute-t-il. Il envisage Ă©galement la transmission de son savoir-faire polyvalent comme consultant ou un mandat d’administrateur – par exemple, dans l’import-export, le commerce avec l’Asie ou la logistique. Pour l’instant, en raison des clauses contractuelles liĂ©es Ă  la vente de l’entreprise, il doit toutefois renoncer Ă  une activitĂ© dans le secteur de l’outillage.

Il n’est pas non plus exclu que le fils de la famille Wyss se mette Ă  son compte. Dans l’intervalle, il a terminĂ© ses Ă©tudes de marketing et de publicitĂ© auprĂšs du public. «Peut-ĂȘtre qu’il crĂ©era un jour sa propre agence de publicité», fait remarquer son pĂšre. Dans ce cas, il pourrait compter sur une sociĂ©tĂ© anonyme en possession privĂ©e depuis des annĂ©es. «Mon fils doit d’abord faire ses preuves. S’il souhaite – ou si je souhaite – crĂ©er une nouvelle entreprise, la SA existante permettrait d’économiser le temps et l’argent nĂ©cessaires Ă  sa fondation.»