Exportation
Un véritable travail de terrain
Avec 70% de son chiffre dâaffaires Ă lâexport, de Sede a une envergure internationale. Monika Walser, CEO, nous dĂ©voile ici les secrets dâune collaboration transfrontaliĂšre rĂ©ussie.
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Exportation
Avec 70% de son chiffre dâaffaires Ă lâexport, de Sede a une envergure internationale. Monika Walser, CEO, nous dĂ©voile ici les secrets dâune collaboration transfrontaliĂšre rĂ©ussie.
Quelle ne fut pas la surprise de Monika Walser lorsquâune demande en provenance de DubaĂŻ atterrit sur son bureau: un client souhaitait une version spĂ©ciale du sofa non-stop DS-600 avec des pieds en or. La fabrication spĂ©ciale ne posait pas de problĂšme: elle fait partie du quotidien, mais la responsable sâest Ă©tonnĂ©e que quelquâun souhaite investir dans un dĂ©tail que lâon ne voit pas a priori. En effet, les pieds de ce canapĂ© iconique sont pratiquement invisibles, cachĂ©s sous le sofa. Monika Walser fit demander au client sâil Ă©tait bien certain de son choix. Elle se souvient de sa rĂ©ponse avec un sourire amusĂ©: «Le client nous a expliquĂ© quâil Ă©tait sĂ»r de lui. Il avait lâintention de placer le sofa sur un immense miroir qui mettrait parfaitement en valeur les pieds en or.»
Cette histoire illustre ce que la responsable de de Sede considĂšre comme primordial avec les clients Ă©trangers: le respect et lâĂ©coute. Chez de Sede, lâexportation bĂ©nĂ©ficie dâune longue tradition et est due, en partie, Ă James Bond: les meubles de Sede plaisaient tellement au rĂ©alisateur du film «Au service secret de Sa Majesté» quâil dĂ©cida dâutiliser un canapĂ© DS-600 pour le tournage rĂ©alisĂ© sur le Schilthorn en 1969. AprĂšs ce dĂ©but de carriĂšre Ă©blouissant, dâautres meubles de la marque suisse de luxe ont Ă©quipĂ© de nombreux Ă©pisodes de James Bond. Le DS-600 est aussi trĂšs en vogue chez les stars, notamment Tina Turner ou Jane Fonda. On dit mĂȘme que Mick Jagger en possĂšde 20 exemplaires. Le dernier film dans lequel il apparaĂźt nâest pas encore sorti sur les Ă©crans: dans «Wonder Woman 2», actuellement en tournage Ă Londres, un DS-600 argentĂ© joue un rĂŽle important.
Mais les temps nâont pas toujours Ă©tĂ© si roses: lorsque Monika Walser a Ă©tĂ© placĂ©e Ă la tĂȘte de lâentreprise par un groupe dâinvestisseurs en 2014, cette derniĂšre Ă©tait dans la tourmente. PassionnĂ©e de rĂ©gates, la CEO sâest investie corps et Ăąme pour lâentreprise, elle a rĂ©duit les coĂ»ts et pris quelques dĂ©cisions inconfortables. Aujourdâhui, Oel-Pool AG en est actionnaire majoritaire, et Monika Walser dĂ©tient elle-mĂȘme 10% des parts. «Si de Sede se trouve aujourdâhui dans cette situation, câest parce que nous travaillons tous avec passion et sommes prĂȘts Ă nous surpasser», ajoute-t-elle, reconnaissante.
La consĂ©cration est arrivĂ©e cet Ă©tĂ©. Depuis juillet 2018, la marque est prĂ©sente dans le plus cĂ©lĂšbre magasin du monde, Harrods, Ă Londres. Câest, de surcroĂźt, la premiĂšre fois quâun fabricant de meubles suisse y parvient. Dans un shop in shop exclusif de 220 mÂČ, de Sede met en scĂšne ses meubles fabriquĂ©s en Suisse. «Harrods nous a demandĂ© si nous Ă©tions intĂ©ressĂ©s. Cela nous offre bien sĂ»r un environnement passionnant: 80% des clients de Harrods sont des touristes du monde entier», explique Monika Walser. On ne peut pas encore dresser de bilan, mais la couturiĂšre de formation est ravie dâexposer toute la gamme de de Sede dans le grand magasin britannique, des modĂšles classiques Ă ceux de la collection actuelle. «Nous avons dĂ©sormais atteint une taille et une capacitĂ© suffisantes pour mener Ă bien ce genre de partenariat.»
Pour une entreprise comme de Sede, oĂč les exportations jouent un rĂŽle majeur, sâappuyer sur une banque partenaire telle quâĂÛ¶čÊÓÆ” pour le traitement des paiements et les comptes en devises Ă©trangĂšres va de soi. Les clients sont habituĂ©s Ă payer en euros, en dollars, en livres sterling ou en francs. Lâentreprise rencontre rarement des problĂšmes avec des devises exotiques ou des mauvais payeurs, car elle applique une stratĂ©gie stricte de prĂ©paiement pour les clients en dehors de lâEurope ainsi que certains pays europĂ©ens. La moitiĂ© du prix de vente est due Ă la commande, lâautre moitiĂ© Ă lâexpĂ©dition.
Les collaborateurs sur place sont, si possible, des natifs.
De Sede emploie des commerciaux dans les pays dâexportation traditionnels comme lâAllemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France, le Luxembourg et les Ătats-Unis. Un collaborateur est chargĂ© de la prospection dans les nouveaux pays europĂ©ens. Il est Ă©galement important dâĂȘtre prĂ©sent dans les rĂ©gions que lâentreprise souhaite conquĂ©rir, notamment les Ămirats arabes unis, lâInde et la Chine. «Il faut que les collaborateurs sur place â des natifs si possible â connaissent la langue, la population et la culture et quâils disposent dâun rĂ©seau, sinon ça ne fonctionne pas», souligne Monika Walser. Tous ont Ă©tĂ© formĂ©s aux produits sur le site de production de Klingnau et ont vu de leurs propres yeux comment des experts fabriquent, en grande partie Ă la main, les fauteuils, les siĂšges, les canapĂ©s et, depuis peu, les sacs de Sede. «Nous entendons dĂ©velopper notre marque en y apportant de la joie et de la passion.» Des Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques ont lieu chaque semaine, et des visites rĂ©ciproques sont organisĂ©es rĂ©guliĂšrement afin de rester au fait de lâactualitĂ©.
Avant dâexporter dans un pays, ce dernier doit rĂ©pondre Ă de nombreux critĂšres concernant la population, la culture, la situation politique et financiĂšre: par exemple, lâintĂ©rĂȘt pour les produits de luxe et les meubles design. «Nous nâexportons quâĂ destination des pays dont nous sentons quâils respectent les principes Ă©thiques fondamentaux», poursuit Monika Walser, titulaire dâun MBA en management et Ă©thique. Câest Ă©galement un Ă©lĂ©ment important pour que les collaborateurs se sentent bien sur place et quâils puissent travailler dans un environnement positif. LâĂ©quitĂ© et lâouverture dâesprit sont pour elle deux conditions indispensables Ă une bonne collaboration. Les nĂ©gociations doivent ĂȘtre la rencontre dâĂȘtres humains, pas seulement dâun fournisseur et dâun client. Monika Walser lâa constatĂ© en particulier au Japon et en Inde. «Chez nous, le respect de lâĂȘtre humain disparaĂźt trĂšs souvent. En Occident, nous voulons avant tout faire des affaires, mais dans de nombreux pays, câest la relation qui est dĂ©terminante», explique-t-elle avec fermetĂ©. Dans les pays arabes, elle a toujours Ă©tĂ© respectĂ©e et nâa jamais subi de prĂ©judice ni de situation dangereuse en tant que femme dans un monde dâhommes. Le Japon est le seul pays oĂč une femme prenant elle-mĂȘme des dĂ©cisions dans le monde des affaires reste assez rare.
Nous exportons vers les pays qui ont une Ă©thique.
Mais mĂȘme lorsquâon est attentif, il peut y avoir des malentendus culturels. Câest ce quâa constatĂ© Monika Walser lorsque de Sede a de nouveau lancĂ© un petit Ă©lĂ©phant en cuir pour sa gamme. Il est fabriquĂ© dans la mĂȘme matiĂšre que de nombreux canapĂ©s, un cuir de buffle de cinq millimĂštres dâĂ©paisseur â le signe distinctif de la maison. Lâanimal devait indiquer que le cuir utilisĂ© pour le nouveau fauteuil dessinĂ© par Alfredo HĂ€berli Ă©tait aussi Ă©pais que la peau dâun Ă©lĂ©phant. Malheureusement, ce message a Ă©tĂ© mal interprĂ©tĂ© dans les pays asiatiques tels que le Japon. LĂ -bas, on a cru que de Sede utilisait effectivement la peau des Ă©lĂ©phants, ce qui a entraĂźnĂ© des rĂ©actions indignĂ©es. Lâentreprise sâest vue contrainte de retirer les petits Ă©lĂ©phants en cuir des pays concernĂ©s. Pour Monika Walser, cet exemple illustre clairement Ă quel point il faut observer et connaĂźtre les autres cultures pour y dĂ©velopper de bonnes relations commerciales.
Les diffĂ©rences culturelles impliquent Ă©galement une variĂ©tĂ© de modĂšles de canapĂ©s. Parfois, lâĂ©quipe de Sede sâĂ©tonne des couleurs des fabrications spĂ©ciales, par exemple de ce fauteuil en forme de gant de boxe, rĂ©intĂ©grĂ© dans la gamme de lâentreprise. Pour le roi du Maroc, de Sede a fait broder les armoiries du pays sur plusieurs fauteuils. Lâentreprise rĂ©alise aussi frĂ©quemment des agencements intĂ©rieurs de yachts de luxe. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, plus un pays est chaud, plus les canapĂ©s de couleur claire sont prisĂ©s. Tandis que le Suisse moyen achĂšte en majoritĂ© des canapĂ©s marron foncĂ© ou noirs, les consommateurs des pays arabes ont tendance Ă trouver plus Ă©lĂ©gants les meubles en cuir clair. Monika Walser: «Il existe de nombreuses raisons qui expliquent pourquoi un pays prĂ©fĂšre certaines couleurs Ă dâautres. Dans les pays arabes, le soleil et la chaleur y sont sans doute pour quelque chose.»
Ă faire
Ă Ă©viter
La sociĂ©tĂ© de Sede fabrique chaque annĂ©e 10 000 meubles qui sont exportĂ©s dans 69 pays. Elle emploie 110 collaborateurs dans le monde. La production est rĂ©alisĂ©e par lâusine de Klingnau, en Argovie. Depuis sa crĂ©ation en 1962, lâentreprise a imaginĂ© plus de 500 modĂšles. En juillet 2018, de Sede a ouvert un shop in shop chez Harrods, le grand magasin de luxe londonien.